Mes fils découvrent les drones Zipline au Rwanda
28 février 2024Scaling Up : an innovative approach to financing development
10 octobre 2024En marge du 18ème sommet de la Francophonie organisé en France à Villers Cotterêts, de nombreux évènements se déroulaient avec les acteurs du développement. Ces acteurs regroupent les bailleurs de fonds, les états, les entreprises, les fondations et bien sur la diplomatie. En marge du sommet se déroulait la première édition de FrancoTech le 3 et 4 octobre à Station F avec l’ambition de réunir annuellement les acteurs de la Tech francophone.
De nombreuses tables rondes, keynotes ou rencontres informelles évoquent le fait de trouver de nouveaux axes d’optimisation et d’accélération des mécanismes de financement du développement. Comment agir de manière plus agile pour ne pas refaire ce qui a été fait, pour optimiser l’impact, agir plus vite et au plus proche des besoins vitaux économiques et sociaux dans les pays du Sud ? Le passage à l’échelle est souvent évoqué, mais quel en est son potentiel ?
Le passage à l’échelle ou PAE est une démarche qui consiste à essaimer afin de rassembler les bailleurs de fonds en adéquation avec les opérateurs locaux pour répliquer et ainsi amplifier l’impact des projets déjà réalisés
Mais comment amplifier cette démarche afin que les opérateurs puissent se l’approprier ? Comment s’aligner sur des indicateurs en commun, les ODD, les contextes locaux, les priorités des états, à court ou moyen terme ?
Le passage à l’échelle dans les financements de l’aide au développement en Afrique est une approche cruciale pour transformer des projets pilotes locaux ou de petite échelle en initiatives régionales ou nationales, afin de toucher un plus grand nombre de bénéficiaires. Cette démarche permet non seulement d’accroître l’impact des programmes réussis, mais aussi d’optimiser les ressources et d’assurer la durabilité des projets dans les contextes variés et parfois complexes du continent africain.
L’intérêt du passage à l’échelle dans l’aide au développement en Afrique
Réponse aux besoins massifs
L’Afrique subsaharienne fait face à des défis socio-économiques considérables dans les domaines de la santé, de l’éducation, de l’agriculture, et des infrastructures. Le passage à l’échelle permet de répondre de manière plus structurée à ces défis en propageant des solutions éprouvées à des populations plus larges.
Le passage à l’échelle de projets déjà menés en Afrique permettrait une accélération du développement économique pour plusieurs raisons pratiques :
- Effets multiplicateurs : Les initiatives réussies à petite échelle, comme les programmes d’accès à l’énergie ou à la finance, lorsqu’élargies, touchent un plus grand nombre de bénéficiaires, générant ainsi des retombées économiques plus rapides à travers l’emploi, l’inclusion financière, et l’augmentation des revenus.
- Réduction des coûts : L’extension des projets permet des économies d’échelle, réduisant les coûts unitaires des interventions (par ex. infrastructures de santé ou d’éducation). Cela libère des ressources pour d’autres investissements.
- Diffusion rapide des innovations : En s’appuyant sur des technologies et pratiques déjà testées, les gouvernements et investisseurs peuvent répliquer des solutions adaptées, comme les systèmes d’irrigation ou les services mobiles, et ainsi accélérer la transformation des secteurs clés (agriculture, énergie, finance).
Amélioration de l’efficacité des projets
En Afrique, de nombreux projets pilotes sont mis en œuvre avec succès à petite échelle, mais restent insuffisants pour résoudre les problèmes systémiques. Le passage à l’échelle permet de transformer ces initiatives en programmes nationaux ou régionaux, offrant ainsi une plus grande efficacité. Par exemple, les programmes d’agriculture durable lancés au Rwanda ou au Kenya, lorsqu’ils sont étendus, peuvent transformer l’ensemble des pratiques agricoles d’une région, améliorant ainsi la sécurité alimentaire et servir de modèle de passage à l’échelle pour les pays voisins avec un atout linguistique car le Rwanda est anglophone et francophone.
Mobilisation de ressources à grande échelle
Le passage à l’échelle nécessite souvent une mobilisation de ressources financières, humaines et matérielles plus importantes. En Afrique, cette approche peut attirer des financements internationaux supplémentaires. Par exemple, des initiatives de grande envergure, comme le programme national d’assurance maladie universelle au Ghana, ont bénéficié de financements plus conséquents en raison de leur potentiel de toucher des millions de personnes et de transformer le secteur de la santé.
Un exemple avec la démarche Finance in Common qui est le réseau mondial de toutes les banques publiques de développement (BPD), qui vise à aligner les flux financiers sur l’Agenda 2030 et l’Accord de Paris pour le changement climatique.
Inclusion et réduction des inégalités
Le passage à l’échelle permet d’élargir l’inclusion des populations marginalisées ou rurales qui sont souvent laissées pour compte dans les petits projets. Par exemple, les programmes de microfinance pour les femmes en Afrique de l’Ouest (comme ceux au Sénégal ou en Mali) ont prouvé leur efficacité locale. Leur élargissement pourrait inclure des millions de femmes dans les zones rurales, offrant ainsi des opportunités économiques à des populations vulnérables.
Comment amplifier l’essaimage des initiatives en Afrique :
1 – Approches régionales et partenariats inter-pays
L’Afrique est un continent diversifié, avec des réalités socio-économiques et culturelles distinctes d’une région à l’autre. Pour amplifier l’essaimage, il est essentiel d’adopter des approches régionales qui tiennent compte des spécificités locales tout en créant des synergies entre les pays. Par exemple, dans la région du Sahel, des projets axés sur la résilience face aux changements climatiques (comme le Programme de la Grande Muraille Verte au Sénégal, au Mali, et au Niger) ont été partagés entre plusieurs pays. Cette coopération régionale permet une diffusion plus rapide des innovations, telles que les pratiques agricoles résistantes à la sécheresse.
2 – Standardisation flexible
Pour permettre l’essaimage, il est important de développer des modèles standardisés qui peuvent être adaptés localement. Par exemple, des projets d’électrification rurale via des mini-réseaux solaires, tels que ceux mis en œuvre au Kenya, peuvent être standardisés et adaptés pour d’autres pays comme l’Ouganda ou la Tanzanie, tout en tenant compte des infrastructures électriques et des cadres réglementaires propres à chaque pays.
3 – Développement de capacités locales
L’essaimage dépend également de la capacité des communautés locales et des gouvernements à prendre en charge et à gérer les projets. Renforcer les capacités des acteurs locaux est essentiel pour assurer la durabilité et la gestion à long terme. Des formations ciblées, comme celles organisées au Rwanda pour former des agriculteurs sur les techniques d’irrigation à faible coût, peuvent être reproduites dans d’autres pays africains. De plus, l’institutionnalisation de ces compétences dans des structures locales, telles que des coopératives agricoles ou des ONG locales, facilite l’essaimage.
4 – Technologies numériques
Les technologies numériques jouent un rôle clé dans l’extension des projets de développement en Afrique. Les plateformes de formation en ligne, les systèmes de suivi basés sur le mobile et les applications numériques permettent d’élargir rapidement la portée des programmes. Par exemple, en Afrique de l’Est, le programme d’éducation numérique Bridge International Academies utilise des tablettes pour dispenser des cours et collecter des données sur les performances scolaires des élèves. Cela permet une gestion centralisée, et les leçons apprises peuvent être rapidement partagées et ajustées dans d’autres écoles. Les écoles 42 qui proposent gratuitement en présentiel sur des campus physiques la formation aux codes accessibles pour les non initiés est désormais implantée dans 31 pays avec 54 campus opérationnels !
5 – Financements innovants
Pour faciliter le passage à l’échelle, il est nécessaire de mobiliser des financements innovants, tels que le blended finance (combinaison de fonds publics et privés) ou les obligations à impact social. En Afrique du Sud, par exemple, des partenariats public-privé ont permis de financer à grande échelle des projets d’accès à l’eau potable. De même, des fonds d’investissement social pour l’entrepreneuriat féminin ou les énergies renouvelables en Afrique subsaharienne permettent d’attirer des financements externes en liant les résultats à des objectifs mesurables Banque Africaine de Développement, Banque Mondiale, Gates Foundation, …
Suivi de l’impact de manière efficiente en Afrique
Le suivi de l’impact est essentiel pour s’assurer que le passage à l’échelle se fait de manière efficace, sans perdre en qualité ou en pertinence. Ce suivi permet d’analyser l’adaptation au contexte local économique et social. Les analyses permettent de collecter les données et de les superposer aux projets similaires et de déceler les bénéfices et les inconvénients. Enfin le suivi d’impact permet d’évaluer la pérennité du projet dans des contextes économiques soumis aux aléas des actualités géopolitiques, environnementales et sociales.
1 – Mise en place d’indicateurs adaptés
Dès le début, il est important de définir des indicateurs de performance clairs et adaptés au contexte local pour mesurer l’impact du projet. Ces indicateurs doivent être alignés avec les Objectifs de Développement Durable (ODD) et être suivis de manière continue. Par exemple, dans le cadre d’un programme d’accès à l’éducation en Éthiopie, des indicateurs tels que le taux d’inscription scolaire, le taux d’abandon et les résultats aux examens peuvent être utilisés pour mesurer l’efficacité du projet et servir de modèle pour les autres pays.
2 – Utilisation des outils de collecte de données en temps réel
En Afrique, les outils numériques, comme les systèmes de gestion des données mobiles, peuvent être déployés pour collecter des informations en temps réel sur les bénéficiaires et les résultats. Par exemple, au Kenya, des agents de santé communautaires utilisent des smartphones pour suivre les vaccinations et les soins prénataux, permettant ainsi une collecte de données rapide et fiable. Ces données peuvent être centralisées et analysées pour adapter les interventions en temps réel. Le pouvoir de réplication de ces dispositifs dans d’autres région est immense.
3 – Évaluation participative et inclusive
L’implication des communautés locales dans le processus d’évaluation garantit un retour d’information précieux. Par exemple, au Ghana, les programmes de gestion de l’eau impliquent directement les utilisateurs finaux dans le suivi de la qualité de l’eau et la gestion des infrastructures. Ces données participatives permettent de suivre l’impact réel sur les conditions de vie des bénéficiaires et d’apporter des ajustements rapidement si nécessaire.
4 – Partenariats avec des institutions académiques et de recherche
Collaborer avec des universités africaines ou des instituts de recherche locaux pour évaluer les projets à grande échelle permet de garantir la rigueur des méthodologies d’évaluation. Par exemple, en Afrique du Sud, des chercheurs collaborent avec des organisations internationales pour évaluer l’impact des programmes de croissance économique et donc de réduction de la pauvreté sur le long terme. Ces partenariats permettent également de renforcer la capacité locale à mener des évaluations rigoureuses.
5 – Rapports d’impact transparents
La publication régulière de rapports d’impact transparents est essentielle pour garantir la responsabilité vis-à-vis des bailleurs de fonds et des bénéficiaires. Cela permet aussi de partager les leçons apprises avec d’autres pays ou régions qui pourraient vouloir reproduire les initiatives.
En conclusion
Le passage à l’échelle des projets de développement en Afrique est une démarche stratégique pour maximiser l’impact des initiatives qui fonctionnent. En amplifiant l’essaimage grâce à des partenariats régionaux, à la standardisation flexible des projets, au renforcement des capacités locales, et à l’utilisation des technologies numériques, l’Afrique peut non seulement répondre aux défis massifs du développement, mais aussi créer des solutions durables et inclusives.
Le suivi de l’impact à travers des outils technologiques modernes, des approches participatives et des indicateurs adaptés garantit que ces projets produisent des résultats concrets, améliorant la vie de millions de personnes sur le continent.
Le passage à l’échelle en axe stratégique du développement ?
La Quatrième Conférence internationale sur le financement du développement (FfD4) se tiendra à Séville (Espagne), du 30 juin au 3 juillet 2025. Elle s’inscrit dans la continuité des conférences précédentes (Monterrey en 2002, Doha en 2008, Addis-Abeba en 2015), qui visaient à aligner les financements internationaux sur les priorités socio-économiques et environnementales mondiales. Ces conférences permettent notamment de trouver un consensus international sur des normes qui peuvent guider les actions des gouvernements, des organisations internationales, des entreprises, de la société civile et de la philanthropie. Source IDDRI
Enfin la Scaling Community of Practice regroupe en anime les acteur du passage à l’échelle et propose d’excellentes publications sur le sujet : comme ici Mainstreaming Scaling: A Case study of GFF