Scaling Up : an innovative approach to financing development
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17 décembre 2024Le chômage et le sous-emploi frappent de plus en plus de jeunes dans le monde entier, et parmi eux en particulier les diplômés universitaires. Les jeunes sont de plus en plus nombreux à faire des études supérieures : les taux d’inscription dans les universités ont été multipliés par trois dans les dernières décennies, pour passer de 14 % en 1990 à 42 % en 2022. C’est le résultat de longues années d’investissement de la part des familles, portées par des aspirations de carrière dans des domaines nécessitant des compétences et des connaissances pointues, du droit à la diplomatie, en passant par la banque et l’ingénierie. Hélas, pour de nombreux jeunes, ces ambitions ne se sont pas concrétisées. En 2023, un jeune sur cinq dans le monde n’était ni en emploi, ni en études, ni en formation, les femmes représentant les deux tiers de ces jeunes sans activité (a). Aux États-Unis, plus de la moitié des fraîchement diplômés occupent des emplois qui ne nécessitent pas de diplôme universitaire (a).
Mais c’est surtout dans les économies en développement que le manque d’emplois en « col blanc », productifs et stables, est particulièrement aigu. Dans les pays à revenu faible ou intermédiaire inférieur, plus d’un cinquième des moins de 30 ans titulaires d’un diplôme d’études supérieures sont au chômage, soit un taux bien supérieur à celui observé chez les personnes ayant un niveau d’éducation de base (a). En Afrique subsaharienne, près de trois jeunes adultes sur quatre âgés de 25 à 29 ans exercent une activité précaire, soit qu’ils travaillent pour leur compte, soit qu’ils occupent des emplois temporaires (a). Dans le monde arabe et en Afrique du Nord, un jeune actif sur trois est au chômage (a). La Chine a également connu ces dernières années une hausse significative de son taux de chômage officiel chez les jeunes, qui dépassait 20 % en juin 2023.
C’est dans ce contexte de crise qu’un nouvel acteur a fait irruption sur le marché du travail : l’intelligence artificielle générative (IAG). Sera-t-elle la solution tant espérée ou au contraire un facteur aggravant d’une situation déjà très difficile ? Dans un document de travail récent (a), nous examinons la manière dont cette nouvelle donne pourrait affecter l’économie : quel sera son impact sur la croissance, sur la transformation structurelle et sur les modèles de production internationaux ? Voici ce qui en ressort, dans les grandes lignes :
1. L’IAG accroît principalement la productivité dans les services très qualifiés
L’IAG devrait particulièrement toucher les emplois de cols blancs dans les services très qualifiés, qui sont généralement occupés par des personnes ayant une formation universitaire. Alors que les vagues de technologies numériques précédentes ont essentiellement permis d’accélérer les tâches routinières ou de fournir des prévisions basées sur des modèles de données, l’IAG a la capacité de synthétiser et de générer des idées et du contenu, ce qui recouvre une partie importante des tâches accomplies par les cols blancs. Plusieurs études indiquent invariablement que les emplois les plus exposés à l’IAG sont concentrés dans les professions hautement qualifiées de services (Eloundou et al., 2023 ; Gmyrek, Berg et Bescond, 2023 ; World Economic Forum, 2023 ; Melina et al., 2024). Notre analyse révèle que les secteurs les plus vulnérables face à l’IA générative sont la finance et l’assurance, les services TIC et les services professionnels, soit des métiers hautement qualifiés, très rémunérateurs et fortement numérisés.
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2. Les pays en développement peinent à créer des emplois de qualité
Alors que l’automatisation éloigne les perspectives de croissance tirée par l’industrie manufacturière, de nombreux pays à revenu faible ou intermédiaire fondent leurs espoirs sur les services à haut niveau de qualification. Or ces secteurs ont beaucoup de mal à offrir de véritables possibilités d’emploi à une jeunesse en plein essor. Après un boom impulsé par l’accélération de la transformation numérique, les services très qualifiés sont en perte de vitesse dans plusieurs pays, y compris aux États-Unis, qui en sont le premier exportateur au monde.
Dans des pays à revenu faible et intermédiaire comme le Mexique, la Türkiye, la Bolivie, les Philippines et le Viet Nam, la part de l’emploi dans les services très qualifiés a également stagné ces dernières années. Ces secteurs emploient entre13 et 20 % de la main-d’œuvre des pays à revenu élevé, mais cette proportion est de 6-10 % seulement dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et n’excède pas 4 % dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire inférieur. Et même en Inde et aux Philippines, deux pays qui se distinguent dans l’exportation de services hautement qualifiés, ce secteur ne contribue qu’à hauteur de 3 % à l’emploi total.
3. L’IAG : moteur de croissance ou risque de déprofessionnalisation prématurée ?
Notre article quantifie l’impact potentiel de l’IA au moyen de simulations qui font apparaître des résultats surprenants et préoccupants.
- Si l’IA n’est pas largement adoptée dans l’ensemble des secteurs et si elle n’est pas porteuse d’innovations transformatrices qui modifient définitivement les préférences des consommateurs, ses bienfaits sur la croissance à court terme ne seront probablement pas à la hauteur des attentes.
- La part de l’emploi dans les services très qualifiés pourrait à terme stagner ou diminuer, suivant une courbe en bosse semblable à celle de l’industrie manufacturière. Un revenu plus élevé augmente la demande de services très qualifiés, mais les progrès de l’IA pourraient réduire les besoins de cols blancs et déplacer la concentration de l’emploi vers des services peu qualifiés.
- L’IA pourrait limiter davantage les possibilités de création d’emplois de qualité dans les services très qualifiés, en particulier dans les pays en développement. Selon un processus analogue à la désindustrialisation prématurée, l’IA pourrait conduire à une « déprofessionnalisation prématurée » : la part de l’emploi dans les services très qualifiés atteindrait son pic plus tôt et à des niveaux de PIB plus faibles.
- Les pays à revenu faible et intermédiaire se trouvent à un tournant critique. S’ils ne parviennent pas ou tardent à embrasser l’IA, ils risquent de voir s’éroder leurs avantages comparatifs acquis dans les services hautement qualifiés et l’industrie manufacturière ou d’entraver leur essor. Ces pays se retrouveraient alors cantonnés à leur place d’exportateurs de produits de base, avec une forte concentration des emplois dans l’agriculture et les services peu qualifiés. À l’inverse, une adoption rapide et réussie de l’IA pourrait catalyser le développement de nouveaux avantages concurrentiels dans le secteur des services très qualifiés ou l’industrie manufacturière.
La voie à suivre
Les pays en développement doivent de toute urgence apprivoiser l’IA pour gagner en compétitivité dans des secteurs plus complexes et porteurs de croissance. L’IA n’en est qu’à ses débuts, et son essor entraîne pour l’instant des besoins croissants dans les fonctions de services à haut niveau de qualification. Mais cela ne durera pas éternellement.
L’enjeu de ce virage est immense pour les pays en développement. Ceux qui tardent à adopter l’IA risquent d’avoir plus de difficultés à créer des emplois de qualité, ce qui aura pour effet de faire basculer les jeunes dans le piège du chômage et du sous-emploi, en les privant de la possibilité d’améliorer leur niveau de vie. Au cours de la prochaine décennie, les pays du Sud global devront offrir des perspectives à 1,2 milliard de jeunes qui atteindront l’âge de travailler. C’est ni plus ni moins l’avenir du travail et les aspirations de milliards d’individus qui se jouent aujourd’hui.