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22 septembre 2012L’avenir du commerce électronique est-il soluble dans Facebook ? La question se repose à l’occasion du salon E-commerce 2012 de Paris. Pour Patrick Robin, PDG de 24h00, le réseau social est incontournable mais pour Greg Zemor, de Neteven, l’engouement actuel est à tempérer.
Il y a trois ans, on nous annonçait le social commerce comme le futur de la vente en ligne. Le marketing, la vente, les transactions… Tout serait bientôt intégré dans un écosystème dirigé par le réseau social ultime, Facebook.
Pari quasi gagné pour Patrick Robin, PDG de 24h00, agence e-marketing et social marketing et éditrice de la plateforme de création de boutiques Boosket.
« Facebook est beaucoup plus mature qu’il y a deux ans. Ils ont mis en place tous les outils nécessaires à une marque, un marchand ou une agence. Bien sûr, Facebook apportera encore des innovations pour que le F-commerce soit plus efficace et pertinent. Ce qu’on demande, c’est un peu de stabilité : c’est aux marchands et aux agences d’apprendre à utiliser ces outils désormais. »
Les boutiques ont fleuri sur Facebook, ces F-stores dont Boosket s’est fait une spécialité. Mais pour Neteven, qui développe une solution de gestion des ventes sur différentes marketplaces (dont Ebay, Amazon, CDiscount, Priceminister et les sites indépendants de marques), cette maturité n’est pas acquise.
« C’est beaucoup de marketing et de publicité »
Pour Greg Zemor, directeur marketing et fondateur de Neteven, pas question de se lancer dans les F-stores pour l’instant.
« Nous restons concentrés sur les places de marché plutôt que d’aller vers les nouveaux segments. Facebook est utile pour aller chercher de nouveaux acheteurs, du trafic, mais pas pour vendre des produits. Le problème, c’est que c’est beaucoup de marketing et de publicité, mais pas de la distribution. »
Il faut avouer que parmi les campagnes marketing florissantes sur le premier réseau social mondial, on trouve assez peu de vraies réussites en terme de ventes. Certains retours d’expérience ont été assez douloureux, comme chez plusieurs clients de Lengow, spécialiste de l’optimisation des campagnes marketing.
Mais pour Patrick Robin, il s’agit avant tout d’un problème de compréhension et de d’utilisation de Facebook.
« Il n’est pas question de distribution. Facebook est un point de contact parmi d’autres. Aujourd’hui, on sait que le parcours du consommateur a beaucoup changé, il peut passer sur son mobile dans le bus, poursuivre dans un magasin à midi, aller sur Facebook dans l’après-midi et finaliser son achat dans la soirée sur sa tablette ou son PC. Que l’achat n’ait pas été passé sur Facebook ne signifie pas que le point de contact n’est pas intéressant. C’est un levier supplémentaire qu’il ne faut pas rater. Car aujourd’hui, l’entonnoir de conversion est devenu une véritable passoire. »
A tel point que le consommateur, demandeur « de liberté et d’ubiquité » selon le PDG de 24h00, n’en aura bientôt plus rien à faire de savoir si c’est un site web, sur son mobile ou sur Facebook qu’il achète.
« Le trafic ne tombe pas du ciel »
Reste que pour Patrick Robin, l’une des erreurs souvent faites est de croire que tout va fonctionner tout seul. « Il y a dix ans les marchands se plaignaient qu’ils n’avaient pas de trafic sur leur boutique en ligne. C’est la même chose pour Facebook : le trafic ne tombe pas du ciel. Il faut investir, et mettre en place une stratégie globale de communication et marketing, et inclure le F-commerce dedans. Si on reprend bêtement le catalogue de la boutique en se disant que ça va marcher tout seul parce qu’on a 100000 fans, ça ne fonctionnera pas. »
C’est justement sur cet investissement que cela coincerait. Greg Zemor le trouve hasardeux. L’expérience évoquée par Lengow le montre : des boutiques se sont lancées avec des moyens importants mais finissent avec très peu de ventes. Rédhibitoire.
« Si demain on dit à tous nos clients : investissez, et montez des boutiques sur Facebook, et qu’ils réalisent deux ventes par mois, il va y avoir un problème. Je veux bien qu’il faille du temps, investir, mais à un certain moment, nos clients demandent un retour sur investissement. Et nous ne sommes pas en mesure de le leur fournir avec Facebook », explique Greg Zemor
Le pari de la monétisation par les boutiques serait même risqué pour Facebook, si l’on en croit le PDG de Neteven. A un moment où le réseau social cherche à rassurer ses investisseurs et tourner la page de son introduction en bourse ratée, il lui faut monétiser son audience exceptionnelle.
« Facebook prend clairement un risque. Ils ont une communauté, constituée d’amis, de connaissances. S’ils mettent trop de publicité, s’ils laissent trop entrer la vente, cela va faire un mélange des genres qui risque de leur faire perdre du trafic. Cela fait sens pour eux, car ils doivent monétiser. Mais c’est dangereux. »
« Il y a une phase d’apprentissage »
On en viendrait presque à trouver un point d’accord avec Patrick Robin, qui estime qu’on a un peu le même réflexe qu’à la fin des années 90. « Il y avait une méfiance des utilisateurs, qui confondaient sécurité et protection des données personnelles. »
Pour l’instant, les gens ne sont pas rassurés quand il s’agit de laisser leur numéro de carte bleue à Facebook. Il y a eu des erreurs de la part de certains e-marchands, aussi. Mais on n’a pas su se servir tout de suite de Google ! On ne savait pas optimiser l’achat de mots-clés comme aujourd’hui. Tout va très vite, donc on ne se rend pas forcément compte, mais il y a une phase d’apprentissage. »
Quand à la question des risques pour Facebook d’une publicité trop agressive, ou d’une transformation du réseau social en plateforme de vente qui lui ferait perdre du trafic, le PDG de 24h00 n’y croit pas.
Pousser les marchands à réaliser les transactions chez Facebook l’obligerait à se fermer. Un pari qu’il risquerait de ne pas gagner.
« Facebook n’a pas intérêt à devenir un AOL bis. Ce serait contraire à l’idée qu’il a de lui-même. Mais quand on parle de vente, d’acte d’achat sur Facebook, une fois de plus, on se trompe de débat : on peut faire du F-commerce sans être sur Facebook, sur son propre site. Avec l’intégration dans l’open graph, les plugins sociaux, F-connect, on fait déjà du F-commerce. On ne vend pas sur Facebook, mais ça peut être un point de contact décisif », répète Patrick Robin
« Demain, on sera dépendant de Google et Facebook »
Dans les allées du salon E-commerce, la question divise autant que nos deux spécialistes. Personne ne remet en cause la puissance de Facebook pour ce qui concerne l’authentification – et donc l’accès à des données clients – ni l’intérêt marketing du réseau.
Mais quand on parle de vente, il y a les optimistes, et ceux qui voient la tendance comme un effet de mode, ou un phénomène à surveiller avec circonspection.
L’enjeu est fort, car il y a un risque à trop s’encanailler avec le réseau social : la dépendance à un seul acteur majeur. On a déjà vu des développeurs se retrouver le bec dans l’eau par le passé, lorsque leur application était bloquée par Apple par exemple. Ils perdaient leur unique source de revenus d’un coup.
Zynga, partenaire historique de Facebook sur les jeux sociaux, a même choisi de diversifier ses modes de distributions depuis un an. Un risque que résume Patrick Robin, qui fait plutôt partie des optimistes : « Jusqu’à peu, tout le monde était dépendant uniquement de Google. Demain, on sera dépendant de Google et Facebook. Est-ce que deux dictatures, ce n’est pas un peu le début de la démocratie ? »
Thierry Barbaut
www.zdnet.fr