Après Nikon, c’était au tour de Samsung, lors de sa conférence d’ouverture de l’IFA 2012, de dévoiler son compact sous Android, le Galaxy Camera. Une tendance qui témoigne d’une nécessité d’évoluer pour le monde de la photo traditionnelle.
« Le meilleur appareil photo, c’est celui qu’on a avec soi ».
Cette citation attribuée au photographe américain Chase Jarvis illustre à merveille le succès des smartphones et des applications photo type instagram : si le reflex est performant il est encombrant et le compact, est bien souvent dans le sac, toujours un cran en retard. Face à ces deux appareils dédiés à la photo, le smartphone est lui à portée de main, voire déjà dans la main.
C’est donc lui le premier à déclencher le jour de la fusillade de l’Empire State Building,
le 25 août dernier.
L’annonce, en à peine 10 jours, de deux appareils photo intégrant un système Android –le Nikon CoolPix S800c et le Samsung Galaxy Camera – montre bien que les fabricants d’appareils photo ont pris
conscience de la nécessité d’évoluer. Ces deux compacts « intelligents » illustrent bien le tournant important auquel la photographie est en train de faire face : l’appareil photo doit être avec nous, tout le temps, il doit être artistiquement satisfaisant et, surtout, il doit être connecté pour empiéter sur le territoire des smartphones.Pour autant, à l’heure actuelle, Nikon et Samsung n’ont fait qu’un demi pas, car à terme, le compact et le smartphone devront donc fusionner.
Pire, il trébuche doublement. D’une part, en ne résolvant pas le problème des deux appareils distincts à posséder dans sa poche. D’autre part, et c’est ennuyeux, en imposant à l’utilisateur vraiment nomade de prendre un abonnement 3G ou 4G supplémentaire pour partager ses photos depuis son appareil photo connecté.
L
e Galaxy Camera, de Samsung.
Le grand mix
En échouant à proposer un appareil qui soit à la fois un vrai smartphone et un vrai compact, Samsung rate de peu le « perfect ». Pourtant, on sent bien que le géant coréen a compris qu’après la téléphonie, les mails ou encore l’agenda, la photographie était le prochain maillon à devoir faire le grand saut. Entre le smartphone « dont j’ai besoin » et l’appareil photo complet (c’est-à-dire avec un zoom et un vrai capteur) « dont j’ai envie », il n’y aura plus de choix à faire : j’aurai tout dans un seul appareil. Cette timidité relative est-elle liée à la peur compréhensible de Samsung de phagocyter deux marchés sur lequel il est non seulement présent mais en constante progression ? Par exemple, en France, Samsung occupe désormais la quatrième ou cinquième place pour le marché des compacts. Il est certes derrière les acteurs historiques, que sont Nikon et Canon, et les nouveaux venus de l’électronique, que sont Panasonic et Sony. Mais bien devant Fujifilm, Olympus, Pentax et Casio.
Smartcameras : avantage (technique) aux électroniciens
Dans notre temps consumériste où la recherche de la qualité absolue a été supplantée par la recherche de la qualité suffisante, les marques électroniciennes ont un avantage sérieux sur le développement de ces futurs « smartcameras ».
Car l’expertise optique des opticiens traditionnels – Canon, Nikon, Olympus, Pentax, etc. – chèrement acquise au gré des décennies se retrouve confrontée à la montée en puissance des corrections logicielles. Nul besoin de développer une optique parfaite : une optique et de bonnes corrections suffisent à délivrer de bonnes images.
Le Galaxy Camera fonctionne sous Android et y superpose la surcouche graphique maison, Touchwiz.
Les grands noms de l’électronique – Samsung, Sony – marquent donc le premier point au travers de leurs maîtrises sur la fabrication des composants (capteurs, écrans, etc.) et dans le développement de logiciels spécifiques aux smartphones. La preuve : Sony règne déjà en maître dans le monde des capteurs (de l’iPhone 4S au Nikon D800) quand le Galaxy Camera de Samsung prend le meilleur sur le CoolPix S800c côté fiche technique : dernière version d’Android, maîtrise de l’OS de Google avec interface Touchwiz, écran plus grand et plus performant, zoom intégré deux fois supérieur, puce de téléphonie 3G ou 4G intégrée, etc.
Mais tout n’est pas joué, et il reste aux autres marques quelques leviers dont, notamment, la puissance marketing, afin de peser dans la balance.
L’appareil photo doit s’adapter
Lors de l’édition 2011du salon de la photo à Paris en octobre dernier, un responsable de Canon France balayait d’un revers de main la menace des smartphones et de leurs applications : « Je ne prends pas ça comme une menace mais comme une aubaine. Il y a 15 ans, la photographie était une pratique à la limite du ringard, on avait un mal de fou à mettre des appareils photo dans les mains des jeunes. Aujourd’hui tout le monde a un appareil photo dans les mains – le smartphone. Et il a forcément une proportion d’entre eux qui se retrouveront frustrés des limites du smartphone (ndlr : taille du capteur, de l’optique, etc.) et qui finiront par se tourner vers un vrai appareil photo ».
Si l’équation ne nous semble pas si simple – les marques photo courent un vrai risque à rater les tournants de la connectivité et du domaine applicatif – une chose semble certaine : plus le nombre de photographes amateurs sera important, plus la proportion d’entre eux souhaitant aller plus loin avec un appareil « sérieux » pèsera lourd.
Pour ne pas rester sur le carreau comme Kodak, il faudra que le monde de la photo, plutôt conservateur, accepte d’évoluer en même temps que les usages des utilisateurs.
« Nous sommes tous des artistes ».
Ce slogan, éminemment faux, est rabâché sous différentes formes afin de nous convaincre que n’importe qui, grâce aux outils actuels, peut devenir un grand photographe (Instagram), un chanteur de renom (Nouvelle Star), etc. La vérité est plus cruelle – les tops chefs sont déjà des chefs, les meilleurs photographes d’Instagram sont des bosseurs voire des photographes déjà pros, etc.- mais la vérité importe peu : il ne s’agit pas de devenir le meilleur photographe du monde mais d’avoir l’impression d’être un bon photographe.
Cette satisfaction apportée par les différents logiciels au travers d’effets plus ou moins automatiques – vieillissement, vignetage massif, effet miniature, time lapse, etc. – suffit à faire plaisir à l’utilisateur, à faire illusion. L’importance des médias sociaux jouent un rôle important dans ce besoin car tandis que nous passons de plus en plus de temps sur Facebook et consorts, le flux d’informations de ces réseaux rogne sur les canaux traditionnels – presse, télévision, radio. Les images qui circulent se doivent donc de respecter au mieux les codes du monde des médias : qualité (réelle ou ressentie) et instantanéité.
Thierry Barbaut
Source: www.01net.com