2013 Chiffres clés : l’e-commerce en France
5 février 2014Outernet: Internet pour tous gratuitement et partout
20 mars 2014Le financement participatif serait un enjeux majeur du développement en adéquation avec la mutation de nos modèles économiques ?
Je reviens de Bruxelles ou j’assistais à la première conférence Européenne sur les « Citizen Intitiatives », et la aussi est enfin pris en compte le pouvoir des citoyens a décider à qui donner, comment, combien et pourquoi ?
D’autant plus passionnant que je lance la plateforme de financement participatif www.microprojets.org de l’Agence des Micro Projets dont je pilote les stratégies Internet.
Mais revenons à cet article passionnant sur la finance participative de M. Alain Bloch:
Crowdfunding : capitalisme 2.0 ou menace pour l’économie ?
L’exemple a fait couler beaucoup d’encre et fait rêver nombre d’entrepreneurs : lorsque le 11 avril 2012, Eric Migicovsky a posté sur le site Kickstarter un appel pour le financement de son projet « SmartWatch », il ne s’attendait probablement pas à lever un million de dollars en 24 heures. C’est dix fois plus que le montant qu’il espérait !
Au bout de trois semaines, il avait réussi à collecter plus de 8 millions de dollars auprès de plus de 50.000 contributeurs, soit une moyenne de 160 dollars par internaute. Selon le cabinet américain Massolution, auteur en 2012 du premier « Crowdfunding Industry Report », le marché du « crowdfunding » (« financement par la foule ») devrait bondir de 88% en 2013, et dépasser 5 milliards de dollars. Il existe d’ores-et-déjà près de 900 plates-formes de ce type dans le monde, dont une cinquantaine en France.
« Le financement participatif représente une innovation majeure dans un univers financier qui a peu évolué depuis l’avènement d’internet. Nous en sommes au stade de l’e-commerce, il y a dix ans », avance Nicolas Dabbaghian, président et fondateur du site francais Spear, orienté vers la finance solidaire.
Une idée pas si neuve
L’idée n’est pourtant pas aussi nouvelle qu’elle peut en avoir l’air : nous avons collectivement oublié que lors de l’exposition universelle de 1900 en France, des entrepreneurs aussi célèbres que Thomas Edison ou Graham Bell donnaient, à quelques centaines de mètres de la Tour Eiffel, jusqu’à vingt conférences par jour pour présenter leur compagnie et qu’à l’issue, le public enthousiaste venu du monde entier signait des chèques de souscription au capital de ces « start-up » de l’époque…
Ce capitalisme populaire des « sociétés anonymes » du début du 20ème siècle succédait au capitalisme familial et annonçait l’ère de la gouvernance des managers formés par les premières écoles de commerce. Un « crowdfunding » sans internet en somme, mais qui apparaissait déjà dans la nature même du capitalisme entrepreneurial et de sa dynamique créatrice !
Une révolution qui ne va pas sans risques
S’il vise aussi les projets associatifs ou le mécénat, le crowdfunding est en passe de concerner de plus en plus de start-up. Aux Etats-Unis, la nouvelle législation, entrée en vigueur le 23 septembre dernier, ouvre plus largement encore à ces jeunes sociétés la possibilité de lever des fonds (actions comme obligations) sur le web : de nombreuses entreprises en ont profité, et rien que sur le site AngelList, elles se comptent déjà par centaines.
C’est le « Jobs Act », voté par le Congrès en avril 2012, qui a ouvert cette brèche dans les règles jusque-là très strictes du financement des jeunes entreprises de croissance. A ce stade, des conditions de revenus (plus de 200.000 dollars au cours des deux dernières années) ou de patrimoine (plus d’1 million de dollars) sont imposées aux personnes physiques qui souhaiteraient investir. Mais dans un deuxième temps – vraisemblablement dès l’an prochain -, ces plates-formes de financement de l’innovation seront ouvertes à l’ensemble de la population américaine. De son côté, le gouvernement français a promis une réglementation pour le printemps 2014.
Dans la communauté scientifique des juristes comme des financiers, le débat est très animé : faut-il accepter le progrès apparemment enthousiasmant que représente le crowdfunding pour le financement des entreprises au prix d’une régression du point de vue de la protection des investisseurs ?
Certes, dans l’immédiat, la contribution moyenne des souscripteurs s’apparente davantage à une mise de jeux d’argent qu’à un véritable investissement, mais en sera-t-il toujours ainsi ?
Lorsque les premiers gains en capital des plus chanceux seront significatifs, le risque de panurgisme ne peut-il créer de nouvelles bulles spéculatives à très grande échelle du réseau mondial?
L’apparente opportunité pour les entrepreneurs pourrait alors très vite se transformer en cauchemar pour nos économies, en asséchant les circuits traditionnels de l’épargne tout en ne créant en contrepartie qu’un océan de pertes… Une sorte d’effet « worldwide Business Casino on line » à côté duquel les spéculations boursières les plus effrénées d’aujourd’hui apparaitraient comme d’aimables enfantillages !
Beaucoup de questions en suspens
D’une façon générale, la rapidité du phénomène prend quelque peu de court la recherche académique en gestion comme en économie ou en droit : une journée internationale de recherche début octobre 2013 sur le campus d’HEC Paris a ainsi soulevé de nombreuses interrogations sans toujours être en mesure d’apporter à ce stade des réponses scientifiques plus opérationnelles que théoriques.
Question centrale : comment ce mode de financement alternatif va-t-il cohabiter avec les financements plus traditionnels comme le private equity ? Les plus optimistes d’entre nous soutiennent qu’il va d’une part permettre aux VC (venture capitalists) de réduire leur mise, donc leur risque.
D’autre part, il devrait agir sur ce nouveau marché comme un « signal » pour les personnes physiques. Leurs apports financiers constitueraient une sorte d’amplificateur vertueux de l’investissement des professionnels, le rendant plus efficace : un effet gagnant-gagnant dans cette hypothèse. Mais d’autres prétendent démontrer que les VC y perdraient inévitablement leur ratio prudentiel, multiplieraient mécaniquement les investissements et que nous serions alors revenus à la case « bulle spéculative » évoquée ci-dessus…
Pour les plus pessimistes, l’une des conséquences paradoxales du crowdfunding pourrait même être de nuire finalement à la création d’entreprise par une forme d’abondance de financement trop « facile ». La théorie nous enseigne en effet que les ressources d’un projet doivent être harmonieusement dimensionnées à l’opportunité entrepreneuriale. Ni trop, ni trop peu : on peut aussi mourir en quelque sorte étouffé par trop d’argent, comme la bulle Internet des années 2000 l’a montré.
L’avenir paraît plus radieux du côté de l’impact du crowdfunding sur le social business et les projets caritatifs : l’appât du gain y est ici marginal, limitant intrinsèquement les risques spéculatifs. Très commenté, y compris par les spécialistes de science politique, le succès de la plateforme Citizinvestor, lancée en septembre 2012 pour permettre aux citoyens américains de financer des projets d’infrastructures publiques, est dans ces domaines à la fois original et éloquent.
Le crowdfunding pourra-t-il contribuer à l’accélération du décollage économique des pays émergents ? En assurant un gigantesque effet de levier combinant financement d’infrastructures, projets caritatifs et investissement dans les PME, cette perspective paraît enthousiasmer un grand nombre de nos collègues en économie du développement, sans pour autant inquiéter le reste de la communauté académique. Le risque de conflit avec les systèmes traditionnels de financement, peu nombreux et faiblement efficients en l’espèce, serait ici faible, tout comme le risque spéculatif.
Nouvel esprit du capitalisme ou retour aux sources ?
En définitive, la question la plus essentielle pourrait se situer moins dans les promesses économiques de ce nouveau mode de financement de masse que dans son impact sur les modes de gouvernance du « capitalisme 2.0 ». De l’entreprise familiale au gouvernement des investisseurs, l’évolution du capitalisme et de ses sources de financement paraissaient au début du 21ème siècle avoir relégué au rang des antiquités le célèbre ouvrage « La main visible des managers » de l’économiste américain Alfred Chandler…
La désintermédiation du financement des entreprises via internet, mais aussi potentiellement, ne l’oublions pas, en matière d’expression des actionnaires, contribuera-t-elle à un nouvel esprit du capitalisme, et lequel ? Où sonne-t-elle une forme de retour aux sources vers un « managérialisme » ni tout à fait le même, ni tout à fait autre ?