Les deux tiers de la planète n’ont pas accès à Internet: 5 milliards de personnes ne sont pas connectées. Pis, s’inquiète le PDG de Facebook, le taux d’adoption d’Internet ne croit que de 9 % par an. «Pas assez rapide», pour Mark Zuckerberg, bien décidé à accélérer le mouvement grâce à internet.org, cette association qui a été lancée ce 20 août.
Elle compte, outre Facebook, six autres membres fondateurs: Nokia, Samsung, l’équipementier télécom Ericsson, l’éditeur de logiciels Opera, les fabricants de semi-conducteurs Qualcomm et MediaTek. Son but est d’apporter le Web à tous ceux qui n’y ont pas accès pour des raisons économiques et technologiques. Des freins que les géants du secteur veulent faire sauter, non pas tant par altruisme que par nécessité de faire grossir leur marché, cantonné aux zones développées. Facebook, comme Nokia avant lui, a déjà fait sien le slogan «connecter le prochain milliard» (de personnes). L’Afrique et l’Asie, où respectivement 15 % et 27 % de la population ont un accès à Internet, sont les principales cibles de ce projet (voir infographie).
«Nous avons déjà investi plus d’un milliard de dollars pour connecter les habitants de pays en voie de développement, au cours des dernières années, et nous avons prévu de continuer», explique Mark Zuckerberg. Conscient qu’il faudrait des dizaines de milliards de dollars pour connecter les deux tiers manquants de l’humanité, internet.org dresse la liste des initiatives qui permettrait d’alléger la facture.
Économiser le trafic de données en ligne
D’abord, il faudra abaisser le coût d’accès à Internet. Dans sa présentation, Mark Zuckerberg chiffre à 2000 dollars sur deux ans le coût d’un abonnement avec un accès illimité au Web (aux États-Unis): 500 dollars proviennent du coût du smartphone, en partie pris en charge par l’opérateur, et 1500 dollars sont imputables au coût de la transmission de données. Un tarif inabordable pour les deux tiers de l’humanité.
Il faut donc apprendre à économiser le trafic de données en ligne, comme on économise l’électricité. Cela passe par la compression de données, qui permet de réduire un fichier photo à la taille d’un fichier texte sans en altérer la qualité, par le développement de sites et d’applications dont l’utilisation réclame moins de téléchargement de données.
Ensuite, Mark Zuckerberg mise sur la capacité des équipementiers télécoms à améliorer la qualité de leur réseau mobile, sans pour autant augmenter le nombre d’émetteurs. Les progrès technologiques devraient d’ici cinq à dix ans permettre de multiplier par dix les capacités d’un réseau à coût constant. À terme, cela permettra d’abaisser le tarif facturé pour la consultation de données sur mobile. Car il s’agit avant tout de mobile. Pas question pour internet.org d’encourager les États à développer leur réseau filaire. C’est même totalement inimaginable dans certaines régions du monde. En revanche, l’association compte bien peser sur les États pour faire baisser le coût des licences pour réseaux mobiles.
Nouveaux modèles
Le troisième et dernier principe posé par internet.org est tout aussi ambitieux, il vise à développer de nouveaux modèles économiques qui rendront plus facile l’accès au Web.
Dans ce volet, Mark Zuckerberg envisage notamment que ne soit plus commercialisé un «accès aux données», notion complexe à expliquer, mais un «accès à Facebook», censé être plus vendeur. Cela se traduirait alors par une autre répartition des revenus générés par les abonnements ou les cartes prépayées. Ces revenus seraient alors distribués entre les équipementiers, les opérateurs et les fournisseurs de service, en l’occurrence Facebook!
Le projet ne prévoit pas pour autant d’équiper les gens en PC ou smartphones (outil privilégié pour accéder au Web), mais il part de l’hypothèse que le nombre de possesseurs de smartphones va continuer à augmenter – il y en a déjà un milliard en circulation dans le monde – avec la baisse du coût de ces appareils. Aujourd’hui, 4 milliards de simples téléphones mobiles sont utilisés dans le monde. L’enjeu est de convertir la majorité d’entre eux en smartphones dans les cinq prochaines années. Une façon très efficace pour les acteurs d’Internet d’augmenter leur marché potentiel.