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11 avril 2013Facebook : des clips publicitaires qui se lancent automatiquement dès cet été ?
19 avril 2013Finies ces heures passées à rédiger des lettres de motivation, fouiller le web pour dénicher les adresses mail des recruteurs et à les spammer dans l’attente d’une réponse très hypothétique.
Bientôt il suffira d’attendre patiemment les bras croisés d’être chassé par un RH qui vous proposera une offre qui satisfera, ô combien, vos attentes. Les bras croisés pas tout à fait.
Il faudra d’abord vous joindre à la communauté de 200 millions d’utilisateurs Linkedin, si ce n’est pas déjà le cas, puis soigner votre profil pour que celui-ci atteigne des records d’audience. Que cette statistique convertisse les derniers sceptiques : d’après un sondage effectué par Jobsite, 97% des recruteurs utilisent Linkedin.
« Recruiter » mâche le travail des employeurs
Si à l’origine, le réseau social professionnel se résumait à un gigantesque catalogue de CV en ligne, Linkedin est en train d’adopter une démarche beaucoup plus active, visant à orienter les recruteurs vers des candidats potentiels.
L’objectif selon Rob Humphrey, spécialiste de la gestion des talents chez Linkedin, est de leur permettre de chasser les proies les plus prisées ou « passive talents » : ces individus qui ne sont pas en recherche d’emploi mais déjà dans une position confortable. En réalité, seulement 15% des membres de Linkedin sont activement en quête d’un poste.
C’est là qu’intervient le service connu sous le nom de « Recruiter », accessible aux entreprises ayant souscrit à un compte premium payant. Grâce à cette fonctionnalité, les recruteurs peuvent espionner tranquillement votre profil, sans que vous n’en ayez vent.
Ils ont également la possibilité de vous ajouter à des listes de candidats potentiels en toute confidentialité. Mais Recruiter va encore plus loin en leur proposant d’entrer en contact avec vos anciens employeurs ou d’être tenu au courant si quelqu’un d’autre dans l’entreprise s’attarde sur votre profil.
L’algorithme Linkedin
Mais c’est en mettant en place un algorithme (qui devrait être disponible dans quelques mois en France) proposant aux recruteurs « les gens qu’ils devraient embaucher » que Linkedin entre dans une nouvelle dimension.
Comment marche ce savant logiciel ?
Il s’agit principalement d’un algorithme mimétique, qui pour l’instant ne peut fonctionner qu’en observant le comportement des recruteurs. D’après un responsable Linkedin que nous avons contacté : « l’algorithme est basé sur les actions du recruteur: ses recherches, ses mails, les offres qu’il poste mais également les embauches récentes ou la description de l’entreprise. Plus un recruteur utilise le système, plus l’algorithme se complexifie et répond à ses attentes. ».
Linkedin analyse les listes de sélection de candidats potentiels établies par les recruteurs et recommande des utilisateurs à la formation et aux compétences similaires. Si le recruteur rebondit sur ces suggestions et initie une conversation par e-mail avec un candidat proposé, ses caractéristiques seront enregistrées afin de proposer plus tard des candidats semblables.
Mais l’algorithme a récemment été complexifié. Il est capable de mettre en place et d’exploiter des statistiques à partir de la base de données phénoménale disponible sur le réseau. Par exemple, le système remarque le degré de mobilité élevé des banquiers d’investissement entre New York et Londres. Il proposera par conséquent des candidats londoniens aux recruteurs newyorkais.
Cet investissement en R&D n’est pas désintéressé. « Recruiter » représente une véritable manne financière pour le réseau. En moyenne, un compte recruteur rapporte 8 000$ par an à Linkedin. Plus de 16 000 entreprises y ont déjà succombé, dont les mastodontes Google, L’Oréal ou encore Facebook.
Et le réseau se porte plutôt bien : en février Linkedin a annoncé pour Q4 des revenus croissant de 81%, ce qui représente 304 millions de dollar, dont 161 millions provenant des services aux recruteurs.
A plus long terme
Linkedin va-t-il uniformiser les processus sinueux de recrutement ? Probablement si le réseau continue sur sa lancée. Mais la Harvard Business Review va encore plus loin dans son article « Digital staffing : The Future of Recruitement-by-Algorithm ».
Que ce soit en organisant un voyage sur TripAdvisor, en écoutant de la musique sur Spotify ou en commandant un ouvrage sur Amazon, la e-réputation des internautes ne se résume pas à leur profil policé sur Linkedin.
Alors que les algorithmes permettant de traiter toutes ces données se complexifient, il sera un jour possible pour les recruteurs de synthétiser l’ensemble des informations disponibles pour générer un profil unique par individu, permettant de parfaitement cibler les talents.
Oui, ce scénario prédictif exhale des relents de 1984. Mais il n’est plus possible d’y échapper. A terme, être absent des réseaux reviendra à tout simplement s’écarter du marché du travail.
Mais il y a pire qu’être absent : laisser vagabonder sur la toile des photos ou informations compromettantes à votre égard. Conclusion, le temps que vos parents passaient à rédiger laborieusement des lettres à la main aux recruteurs, vous, vous le passerez à vous googliser, à verrouiller l’accès de vos profils privés et à abreuver d’informations reluisantes vos réseaux professionnels.
Thierry Barbaut